Histoire des Lepage
d’Amérique du Nord


Avant de désigner des familles entières, le nom de Lepage aurait été attribué d'abord à des enfants placés auprès des nobles, mais ce nom signifierait également enfant, bourg ou village. Quelques Français portant ce patronyme sont venus s'établir en Nouvelle-France au XVIIe et au XVIIIe siècle. Barthélémy était Normand, Blaise l'était aussi. François-Joseph venait de Picardie, François-Pierre du Limousin et Jacques de l'Angoumois. Les premiers à être venus s'établir ici sont Constance, Louis et Germain. Les deux hommes viennent en Nouvelle-France en éclaireurs. Nés dans la région de Courson-les-Carrières, dans le bourg d'Ouanne, ils sont les fils d'Étienne et Nicole Berthelot. Louis et Germain ont sensiblement le même âge, les recensements de 1666, 1667 et 1681 les faisant naître vers 1640.

Aucun contrat d'engagement ne nous permet de fixer avec certitude la date de leur arrivée dans la colonie. On pense généralement qu'ils débarquent à Québec, vers 1661, à titre d'engagés, pour une période de trente-six mois. Le seul élément qui nous incite à le croire est un document du jeudi 24 janvier 1664 où il est dit qu'à la suite d'une plainte formulée par Charles LeGardeur on devait chercher et emprisonner « le nommé Louis le Page son serviteur domestique (qui) au préjudice des ordonnances (...) avait sans aucun congé quitté son service s'étant retiré en la Côte et Seigneurie de Beaupré ». Voilà un homme qui a passé suffisamment de temps ici pour rêver de n'être le serviteur de personne! Cette évasion a des conséquences que nous ne connaissons malheureusement pas, mais il est certain qu'en juillet de la même année, l'engagement des deux frères est terminé. Le 9, Marie-Barbe de Boullogne, épouse de Louis d'Ailleboust, leur concède quelques arpents à prendre dans la seigneurie d'Argentenay, dans la paroisse de Sainte-Famille.

En 1666, cette terre est déjà divisée entre les deux hommes qui figurent séparément au recensement. L'année suivante, ils partagent la même maison et, déjà, quinze arpents ont été mis « en valeur ». Cette terre commune fera l'objet d'une division officielle, le 24 octobre 1672. On peut s'interroger sur les motifs de cette transaction survenant entre les deux hommes très liés qui prouveront, tout au long des années, que l'harmonie existait entre eux. Mais ce geste leur est imposé par l'arrivée de parents. Le 24 août 1667, devant le notaire Pierre Duquet, Sébastienne Loignon ou Aloignon, fille de Pierre et Marie Roussin, de la paroisse Sainte-Famille, avait promis à Louis Lepage de l'épouser. Elle avait tenu parole et deux enfants, Étienne et Marie-Madeleine étaient venus peupler leur petite maison. On sait maintenant, grâce aux compilations du Répertoire des actes de baptême, mariage, sépulture (...) publié par l'Université de Montréal, qu'au mois d'octobre 1672, d'autres Lepage étaient arrivés de France. En effet, le 27 février 1673, René, Constance et Étienne Lepage sont présents au baptême de Constance Duchesne, née le 12, fille de Pierre et Catherine Rivet. Qui sont ces nouveaux venus si vite intégrés à la petite communauté paroissiale? Constance est la soeur de Louis et Germain. Étienne, dont le nom apparaît pour la seule et unique fois aux registres de cette paroisse, serait peut-être le père de ces trois pionniers. Quant à René, il est le fils de Germain. On a beaucoup douté de la présence au pays de la femme de Germain Lepage. Il est vérifié maintenant qu'elle est arrivée en même temps que les autres membres de la famille Lepage, les registres parlant d'elle sous les noms de Reine, Irène ou Renée Lori, Lory, Lauri et Laury. Elle agit comme marraine à plusieurs baptêmes, donnant ses prénoms à ses nièces Renée Lepage et Reine Guérinet ou Garnier, à Reine Meneux, à RenéeLoignon, à Reine Mesnil et à Reine Deblois. Constance Lepage épouse François Garnier à Sainte-Famille, le 5 février 1674. Elle aura six enfants, cinq filles et un fils. Elle est décédée à l'âge de 40 ans, à la mi-août 1688, à Saint-François de l'Île d'Orléans.

En 1673, une fois la famille réunie sur la terre concédée en 1664, terre sur laquelle on ne trouve qu'un « corps de maison », les Lepage la vendent pour 415 livres, aux Hospitalières. Toutefois, ce n'est pas avant 1677 que le clan se déplace à Saint-François. Germain, sa femme et leur fils René; Constance, son mari et leurs deux filles; Louis, sa femme et leurs quatre enfants déménagent. Le recensement de 1681 nous montre ces trois familles développant chacune leur patrimoine. François Garnier et Constance Lepage sont voisins de la famille de Louis. Ils possèdent alors quatre bêtes à cornes et sept arpents de terre ont été défrichés. Louis Lepage, plus prospère, possède onze bêtes à cornes et douze arpents de terre ont été mis en valeur. Quant à Germain Lepage et à Reine Lory, douze bêtes à cornes et cinquante arpents de terre défrichée font leur richesse et celle de leur unique héritier, René.

Louis Lepage et Sébastienne Loignon donneront la vie à au moins quatorze enfants qui feront alliance avec les Théberge, Marquis, Béchard, Racine, Fournier, Turcot, Charest, Fontaine, Beaudoin, Pépin, Gagnon, Bilodeau, Damien et LaGrapht.

Sébastienne Loignon était inhumée à Saint-François de Sales de l'Île d'Orléans, le 3 décembre 1702; Louis la suivait le 27 novembre 1710. Leur descendance, nombreuse, a pris racine sur l'Île d'Orléans. Reine Lory disparaît des registres entre 1691 et 1696 et on présume que Germain était veuf lorsqu'il a suivi son fils René à Rimouski. René appartient à la petite histoire de cette ville dont il a été le premier seigneur. Par les nombreux enfants issus de son mariage avec Marie-Madeleine Gagnon, il est l'ancêtre d'une importante branche de l'arbre de la famille Lepage. Germain est mort « en odeur de suavité », le 26 février 1723. On lui donnait alors cent un ans, ce que contredisent les recensements qui ne lui en concèdent, au plus, que quatre-vingt-trois.